A la fin du mois d’octobre 1958, notre campement commença à recevoir des visites des membres locaux du mouvement du 26-Juillet, et quelques paysans des alentours rejoignirent la troupe. Je me souviendrai toujours d’Octavio et de sa perruche. Il venait d’un petit village à coté de Manicaragua, où il était barbier. A son arrivée, le Che le reçut froidement et lui dit qu’il ne pourrait pas excercer son métier, qu’il était interdit de se couper les cheveux et la barbe. La perruche d’Octavio devint bien vite le centre des préoccupations de la troupe. Le piaf causait abondamment, et ce n’était pas vraiment des fleurs qui lui tombaient du bec ; la perruche lâchait toutes les grossièretés possibles, et toujours fort à propos. Quand on passait près d’elle on lui disait : “Oh ! mais qu’elle est jolie cette petite perruche ! Je vais la zigouiller pour me faire un ragoût de volaille.” Elle répondait invariablement : “Zigouille plutôt ta mère pour te faire un ragoût de pute.” Un jour, le Che passa à coté de la perruche, à laquelle on avait appris à dire : “Va te faire branler, mon salaud.” Inutile de dire que l’Argentin monta sur ces grands chevaux, et donna l’ordre de tuer la perruche. Octavio lui répondit que personne n’allait massacrer sa bestiole, il rassembla ses affaires et partit.
Juan Vivés, El Magnífico, 20 ans au service secret de Castro, traduit de l’Espagnol (Cuba) par Joseph Labordeta, éditions Hugo Doc (p45)