Black Children

Lun 13 avril 2015
Index Lectures Photo Atlanta 2005

En 2005 lors de mon semestre passé à Atlanta je lis Dans la peau d’un noir. Le livre reprend ce que je réalise alors sur place : le sort indigne réservé aux noirs avant la lutte pour les droits civiques et l’importance d’Atlanta dans cette lutte. La ségrégation je connaissais peut-être. Mais de loin, de très loin.

Folio Dans la peau d'un noir

La couverture de l’édition Folio est une photo de Leonard Freed. Sa plus célèbre est sans doute celle de Martin Luther King dans une décapotable, joyeux salué par une foule joyeuse alors qu’il vient de recevoir le prix Nobel de la paix. Le photographe est connu pour son travail tout au long des années 60 sur la lutte des Noirs américains.

Baltimore, 31 octobre 1964

Folio a choisi une photo prise à New York, à Harlem, en 1963. Loin de l’action sudiste du livre, mais tout de même presque contemporaine. Je m’informe sur l’image et son auteur. Je vois ainsi qu’il a effectué un reportage intitulé Death of Black Children In Atlanta. Le titre m’intrigue, parce qu’évidemment : Atlanta. Je cherche les photos sur le net, en vain. Je trouve quand même quelques informations sur le sujet. Ébahi.

Entre juillet 1979 et mai 1981, 29 enfants noirs sont assassinés à Atlanta. La police locale n’est pas efficace (ce ne sont que des noirs après tout). Le FBI est saisi de l’affaire mi-1980 et arrête un suspect, Wayne Williams en juin 1981. En 1982, Wayne Williams est reconnu coupable du meurtre de 2 adultes, condamné à perpétuité. Ce dernier crie à un coup monté : la police locale cacherait des preuves d’une implication du Klu Klux Klan, et voudrait ainsi éviter une guerre raciale. Il n’empêche, les assassinats cessent.

En 2015, aucun grand film (par le budget ou la qualité) ne s’est encore attaqué à l’affaire. On liste une mini série produite par CBS, et un téléfilm avec James Belushi.

La grande œuvre semble être le livre de Toni Cade Bambara, Ce cadavre n’est pas mon enfant. Ou littéralement, Ces os ne sont pas mon enfant (Those Bones Are Not My Child). L’auteure étant morte en 1995, c’est la prix Nobel de littérature Toni Morrison qui se bat pour publier le roman en 1999. Christian Bourgois publie la traduction française en 2002.

Ce cadavre n'est pas mon enfant

La photo de couverture n’est pas de Leonard Freed, mais d’un autre grand photographe de l’agence Magnum, Bruce Davidson. Bizarrement la photo est prise à New York vers 1968, non pas à Atlanta vers 1980.

Leonard Freed meurt en 2006. En 2015, le High Museum d’Atlanta lui consacre une exposition, présentant son classique Black in White America.

On n’y verra toujours pas Death of Black Children In Atlanta. Peut-être quelques reproductions sont-elles visibles dans Leonard Freed 1954-1990.

Leonard Freed 1954 1990

Note du 16 juin 2020

La deuxième saison de la série Netflix Mindhunter s’intéresse largement à l’affaire des enfants noirs d’Atlanta. Elle épouse la théorie du FBI : Wayne Williams est un meurtrier, le meurtrier. Elle évacue donc l’hypothèse d’un tueur blanc. Comment un blanc pouvait se déplacer dans un quartier noir sans être aperçu ? La démonstration paraît assez convaincante. Elle rejette ainsi l’implication du Klu Klux Klan. On sent bien qu’un doute persiste mais il est évacué aussi rapidement qu’on boucle une fin de saison.

Fin 2019, un documentaire de 5 heures produit par HBO, The lost children, revient plus en profondeur sur l’affaire. La police d’Atlanta, dirigée par Erika Shields, a d’ailleurs réouvert les enquêtes en 2018, jugeant les précédentes baclées. Le documentaire présente l’image d’Atlanta dans les années 70, the Black mecca, et le fait que cette série d’assassinat nuit à cette image. On y présente la police : le maire est noir, le chef de la police (police commisioner) est noir, mais la police reste blanche marquée par son passé. On revient sur le contexte national avec l’implication directe de Reagan et de Bush père. On y écoute la version de l’accusation, qui incrimine Wayne Williams. On y écoute aussi la version de la défense, et l’on suit le procès, l’appel et différents recours. L’implication du Klu Klux Klan n’apparaît pas si fantaisiste. Le doute reprend sa place.

photo The evidence of the things not seen

Le dernier livre de James Baldwin, sorti en 1985, The evidence of Things not seen, revient sur les errements de l’enquête. Il vient de re-sortir en France, chez Stock sous le nom de Meurtres à Atlanta. On peut en lire une critique (d’époque) sur le Monde Diplomatique, et un article lui est consacré sur le New Yorker.

extract

Le 15 juin 2020, suite à la mort de Rayshard Brooks, atteint de 2 balles dans le dos par un policier d’Atlanta, Erika Shields qui est interviewée dans le documentaire d’HBO, et qui avait réouvert les dossiers d’enquête sur les disparitions d’enfants démissionne du commandement de la police d’Atlanta.

Voici quelques photos issus du documentaire HBO (désolé pour l’absence de crédit)

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